L'édito de Décembre 2019
J’avançais ainsi avec le pressentiment que je devais écrire avec honnêteté ma pensée sur la relation entre le Théâtre et la Politique, sans savoir cependant d’où me venait ce curieux pressentiment. Peut-être le souvenir de m’être ridiculisée dans des discours naïfs à ce sujet ou bien l’ennui de me cogner presque toujours de la même manière aux murs de ma propre pensée, sans une once d'amélioration. A la simple évocation de la question du politique au théâtre, mon esprit produisait presque autant de fumée que celle du cigare savouré par le protagoniste que je m’apprête à faire entrer dans ce récit sans justification et juste le temps d’une réplique en bon metteur en scène que je suis.
Regardez-le mon personnage ! Quel panache ! Regardez-le retirer son chapeau avec la grâce d’un homme des années 1950, hésiter au moment de prendre la porte, se retourner une dernière fois vers ses camarades et dire avec toute l’assurance qu’une telle réplique nécessite : « - Le théâtre, le théâtre ! Qu’est-ce que c’est au bout du compte, sinon refaire le monde ? »
En tant qu’auteur je décidais de m’asseoir plusieurs fois par jour à mon bureau afin de mieux comprendre le rapport entre théâtre et politique. Mais chaque fois, je tombais dans les yeux de Madame de Pompadour dont j’avais épinglé le portait au-dessus de mon bureau, et chaque fois que je croisais son regard il me semblait que Madame de Pompadour avait des idées diamétralement opposées aux miennes. Aussitôt je froissais les pages dans un bruit de pas de neige. Un soir pourtant elle sembla sortir de son immobilisme et m’interpella : « - Enfin, pourquoi s’obstiner à user de ce style lyrique et pompeux qui en emmerdera plus d’un ? Dites franchement votre pensée ! »
Ah ! je me demande ce qui nous pousse véritablement à écrire. Est-ce dans le souci d’émettre une pensée, de porter un message ou bien est-ce pour le plaisir secret de voir s’agiter devant nous les mots, formant presque malgré eux de la beauté, une forme rassurante et douce dans le bonheur de leurs mouvements ? Madame de Pompadour semblait s’être assoupie et je regagnais ma solitude dans le début de la nuit. Je crois que je venais de pointer du doigt, à travers mon rapport à l’écriture, quelque chose de mon rapport à la question politique au théâtre. Moi-même épuisée par ces profondes réflexions, je regagnais ma chambre à coucher. Je laissai décanter ces questions pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’un spectacle joue le rôle d’une révélation.
Le 23 novembre dernier j’assistai au dernier spectacle du théâtre du radeau à la Fonderie : Item. Une œuvre poétique sculptée dans des trappes en bois qui ouvre sur un monde qui n’a rien à envier au réel, fabriqué dans une grande liberté par une équipe singulière. Ces artistes n’ont jamais cessé de croire au pouvoir de la poésie et nous donnent intimement le courage d’avoir foi en nos luttes.
Inspirée par ce spectacle j’écrivais donc que le théâtre devait d’abord transfigurer le champ du réel par la poésie et que c’était seulement par cette expérience que le théâtre devenait éminemment politique.
« Madame, madame de Pompadour, est-ce que je perds la tête parce qu’il est tard ou est-ce que vous venez de me faire un clin d’œil ? Madame, vous m’entendez... ? »
L'édito de Décembre 2019
J’avançais ainsi avec le pressentiment que je devais écrire avec honnêteté ma pensée sur la relation entre le Théâtre et la Politique, sans savoir cependant d’où me venait ce curieux pressentiment. Peut-être le souvenir de m’être ridiculisée dans des discours naïfs à ce sujet ou bien l’ennui de me cogner presque toujours de la même manière aux murs de ma propre pensée, sans une once d'amélioration. A la simple évocation de la question du politique au théâtre, mon esprit produisait presque autant de fumée que celle du cigare savouré par le protagoniste que je m’apprête à faire entrer dans ce récit sans justification et juste le temps d’une réplique en bon metteur en scène que je suis.
Regardez-le mon personnage ! Quel panache ! Regardez-le retirer son chapeau avec la grâce d’un homme des années 1950, hésiter au moment de prendre la porte, se retourner une dernière fois vers ses camarades et dire avec toute l’assurance qu’une telle réplique nécessite : « - Le théâtre, le théâtre ! Qu’est-ce que c’est au bout du compte, sinon refaire le monde ? »
En tant qu’auteur je décidais de m’asseoir plusieurs fois par jour à mon bureau afin de mieux comprendre le rapport entre théâtre et politique. Mais chaque fois, je tombais dans les yeux de Madame de Pompadour dont j’avais épinglé le portait au-dessus de mon bureau, et chaque fois que je croisais son regard il me semblait que Madame de Pompadour avait des idées diamétralement opposées aux miennes. Aussitôt je froissais les pages dans un bruit de pas de neige. Un soir pourtant elle sembla sortir de son immobilisme et m’interpella : « - Enfin, pourquoi s’obstiner à user de ce style lyrique et pompeux qui en emmerdera plus d’un ? Dites franchement votre pensée ! »
Ah ! je me demande ce qui nous pousse véritablement à écrire. Est-ce dans le souci d’émettre une pensée, de porter un message ou bien est-ce pour le plaisir secret de voir s’agiter devant nous les mots, formant presque malgré eux de la beauté, une forme rassurante et douce dans le bonheur de leurs mouvements ? Madame de Pompadour semblait s’être assoupie et je regagnais ma solitude dans le début de la nuit. Je crois que je venais de pointer du doigt, à travers mon rapport à l’écriture, quelque chose de mon rapport à la question politique au théâtre. Moi-même épuisée par ces profondes réflexions, je regagnais ma chambre à coucher. Je laissai décanter ces questions pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’un spectacle joue le rôle d’une révélation.
Le 23 novembre dernier j’assistai au dernier spectacle du théâtre du radeau à la Fonderie : Item. Une œuvre poétique sculptée dans des trappes en bois qui ouvre sur un monde qui n’a rien à envier au réel, fabriqué dans une grande liberté par une équipe singulière. Ces artistes n’ont jamais cessé de croire au pouvoir de la poésie et nous donnent intimement le courage d’avoir foi en nos luttes.
Inspirée par ce spectacle j’écrivais donc que le théâtre devait d’abord transfigurer le champ du réel par la poésie et que c’était seulement par cette expérience que le théâtre devenait éminemment politique.
« Madame, madame de Pompadour, est-ce que je perds la tête parce qu’il est tard ou est-ce que vous venez de me faire un clin d’œil ? Madame, vous m’entendez... ? »