L'édito de Novembre 2021
Bon eh bien voilà, le spectacle était né et c’était l’heure de l’inventaire.
Une pensée émue pour ce meuble en métal bleu clair acheté via le bon coin trois ans en arrière, me traversa l’esprit. Parce-qu’il avait la particularité d’être un meuble d’extérieur et même plus précisément, un meuble de camping, j’avais décidé coûte que coûte, malgré les nombreuses contestations de mes camarades, de l’embarquer avec nous l’été 2019, à la conquête des campings de l’Aveyron. Au retour de notre voyage, je déposais ce meuble sur ma terrasse à Marseille. Au rythme des saisons et par négligence de ma part, il prit l’eau, la foudre, le soleil et perdit peu à peu sa fonction de meuble. En définitive, ce meuble avait toujours été profondément inutile : Ne servant à rien sur scène si ce n’est à décorer, ne servant à rien chez moi, si ce n’est à encombrer, j’avais dû me rendre à l’évidence que ce meuble était un caprice de ma part, une lubie. J’eus alors une pensée émue pour ce tambour qu’on me donna sans ses baguettes et dont la peau était quasiment arrachée, que j’ai transporté à Aix-en-Provence, Avignon, au Mans et jusqu’en camargue, convaincue qu’il trouverait sa place dans notre spectacle sur Molière. Ce tambour, palapapam, palapapam, précisément parce qu’il n’avait ni peau ni baguette, ce tambour, palapapam, palapapam, qui n’en était pas un, était réduit à son tour à son inexistence, à sa belle inutilité.
Adios le chapiteau que nous avons bien fait de ne pas acheter. Adios le tissu doré ignifugé que nous avons acheté pour rien. Adios la guitare électrique que nous avions récupérée dans le garage de mamie. Adios le t-shirt bob marley qu’Anne-sophie avait déniché dans un carton de sa chambre d’adolescente. Palapapam, palapapam. Adios les fonds peints à suspendre et la structure attenante aux tréteaux que nous aurions dû concevoir avec Camille. Adios les kilts irlandais que Naïs avait pris la peine de coudre dans du tissu préalablement acheté. Palapapam, palapapam. Adios les gradins en bois dont nous avions rêvé. Adios la sérénade de Schubert que je voulais nous faire chanter en chœur. Adios les écrits de Cyrano sur la lune et longue vie à la version du Cyrano d’Edith, Palapapam, palapapam. Adios l’armure en métal que je n’ai pas trouvée et qui a permis à Albane d’en concevoir une en mousse bien plus attrayante. Adios la marseillaise à la flûte à bec que Lisiane aurait dû nous apprendre. Palapapam palapapam, tadam, talata, adios la bougie jaune et bleue que Valentine détestait et qui est pourtant restée là, à nous veiller, du début de l’aventure jusqu’au dernier jour, une heure tout juste avant de jouer.
Cette bougie avait un point commun avec ce meuble d’extérieur dont j’avais eu tant de mal à me défaire : tous deux ne servaient à rien mais leurs présences inutiles m’avaient rassurée à de nombreuses reprises. Je me disais en les regardant : « voilà, toi aussi Jojo, tu pourrais rester là, à ne rien faire de plus qu’être là qu’on te remarquerait quand même, que tu deviendrais attachante, familière et que ta seule présence défaite de tout artifice, que tu le veuilles ou non, raconterait quelque chose de toi, de ton rapport au monde, de ton théâtre. »
L'édito de Novembre 2021
Bon eh bien voilà, le spectacle était né et c’était l’heure de l’inventaire.
Une pensée émue pour ce meuble en métal bleu clair acheté via le bon coin trois ans en arrière, me traversa l’esprit. Parce-qu’il avait la particularité d’être un meuble d’extérieur et même plus précisément, un meuble de camping, j’avais décidé coûte que coûte, malgré les nombreuses contestations de mes camarades, de l’embarquer avec nous l’été 2019, à la conquête des campings de l’Aveyron. Au retour de notre voyage, je déposais ce meuble sur ma terrasse à Marseille. Au rythme des saisons et par négligence de ma part, il prit l’eau, la foudre, le soleil et perdit peu à peu sa fonction de meuble. En définitive, ce meuble avait toujours été profondément inutile : Ne servant à rien sur scène si ce n’est à décorer, ne servant à rien chez moi, si ce n’est à encombrer, j’avais dû me rendre à l’évidence que ce meuble était un caprice de ma part, une lubie. J’eus alors une pensée émue pour ce tambour qu’on me donna sans ses baguettes et dont la peau était quasiment arrachée, que j’ai transporté à Aix-en-Provence, Avignon, au Mans et jusqu’en camargue, convaincue qu’il trouverait sa place dans notre spectacle sur Molière. Ce tambour, palapapam, palapapam, précisément parce qu’il n’avait ni peau ni baguette, ce tambour, palapapam, palapapam, qui n’en était pas un, était réduit à son tour à son inexistence, à sa belle inutilité.
Adios le chapiteau que nous avons bien fait de ne pas acheter. Adios le tissu doré ignifugé que nous avons acheté pour rien. Adios la guitare électrique que nous avions récupérée dans le garage de mamie. Adios le t-shirt bob marley qu’Anne-sophie avait déniché dans un carton de sa chambre d’adolescente. Palapapam, palapapam. Adios les fonds peints à suspendre et la structure attenante aux tréteaux que nous aurions dû concevoir avec Camille. Adios les kilts irlandais que Naïs avait pris la peine de coudre dans du tissu préalablement acheté. Palapapam, palapapam. Adios les gradins en bois dont nous avions rêvé. Adios la sérénade de Schubert que je voulais nous faire chanter en chœur. Adios les écrits de Cyrano sur la lune et longue vie à la version du Cyrano d’Edith, Palapapam, palapapam. Adios l’armure en métal que je n’ai pas trouvée et qui a permis à Albane d’en concevoir une en mousse bien plus attrayante. Adios la marseillaise à la flûte à bec que Lisiane aurait dû nous apprendre. Palapapam palapapam, tadam, talata, adios la bougie jaune et bleue que Valentine détestait et qui est pourtant restée là, à nous veiller, du début de l’aventure jusqu’au dernier jour, une heure tout juste avant de jouer.
Cette bougie avait un point commun avec ce meuble d’extérieur dont j’avais eu tant de mal à me défaire : tous deux ne servaient à rien mais leurs présences inutiles m’avaient rassurée à de nombreuses reprises. Je me disais en les regardant : « voilà, toi aussi Jojo, tu pourrais rester là, à ne rien faire de plus qu’être là qu’on te remarquerait quand même, que tu deviendrais attachante, familière et que ta seule présence défaite de tout artifice, que tu le veuilles ou non, raconterait quelque chose de toi, de ton rapport au monde, de ton théâtre. »