Édito — Les contradictions de septembre 2022
- (…)
- Bon… ! Si tu ne sais pas sur quoi écrire, t’as qu’à faire comme Michel Berger et écrire ton dialogue intérieur. Michel Berger a toujours été très populaire, tu te défends de faire un théâtre populaire : l’identification est pertinente.
- Oui, bon, d’accord ! Le seul hic, c’est qu’un spectacle jubilatoire autour de Michel Berger est à l’affiche en ce moment. « Populo » ok, ça fait mal, mais j’admets. Par contre « plagiaire » qu’on se le dise, c’est insoutenable. Et puis t’es marrante toi, je ne le connais pas bien moi Michel Berger… Ce n’est pas parce-que je l’ai écouté en boucle tout l’été que je connais Michel Berger !
- Mais personne ne te demande de connaître Michel Berger ! Je t’incite seulement à faire comme lui et à te parler à toi-même !
- Mais on est 7 milliards à se parler à soi-même, face de pet, il n’y a vraiment pas de quoi en faire un édito, franchement !
- C’est moi où tu écris moins bien qu’avant ?
- Mais je n’écris pas là, je parle ! C’est bien ça le problème ! Un dialogue intérieur c’est oral, ce n’est pas du Koltès ni du Molière ! Les amoureux de la langue vont me tomber dessus, c’est sûr ! Mais bon ce n’est pas le sujet, on n’est pas là pour parler de ça.
- Bah si justement ! On est dans ta tête : tu peux parler de ce que tu veux dans ta tête ! Ta tête n’est pas une copropriété ni l’assemblée générale des copropriétaires, encore moins un jardin public : ta tête c'est ta tête, un point c’est tout !
- Oui bah justement j’ai l’impression que ma tête est un jardin public…et que chacun y va de son petit commentaire sur son entretien… Alors quoi ? Bah je me censure, j’essaie de rester intègre, de ne pas faire de vague, en définitive, je m’emmerde.
- C’est vachement bien cette histoire de jardin public, ça t’est venu comment ?
- Au fond la seule chose qui ait de la valeur pour moi c’est de savoir si un jour je serai aussi célèbre que Michel Berger. Lisiane dit que la célébrité ne sert à rien et que c’est un leurre. Je sais qu’elle a raison, j’aimerais penser pareil mais… Cet été j’ai passé 15 minutes dans le bar du IN au festival d’Avignon. 15 longues minutes à penser que je n’avais pas le corps adéquat pour réussir. Que j’étais trop courbée, pas assez garçon, pas assez fille, pas assez parisienne, trop provinciale, trop beauf et pas assez intello. Je me suis demandée si ces gens qui semblaient avoir le corps de la réussite pensaient comme moi, si eux aussi ils écoutaient Michel Berger.
- Pourquoi t’en reviens toujours à Michel Berger ? T’étais bien partie là, c’est dommage ! Dès que ça devient sérieux, tu n’peux pas t’en empêcher… Il faut que tu arrêtes de penser que les gens t’aiment seulement parce-que t’es drôle ! Ils t’aiment aussi parce-que tu es mégalo et parce que tu te prends pour Edouard Louis !
- Ah non pas Edouard Louis ! Non mais ce n’est pas possible ! Faut que ça s’arrête là ! L’identification ça va deux minutes, mais après stop ! Merde quoi ! Le plagiat ! L’identification ! Molière, Mnouchkine, Berger et maintenant Edouard Louis ! Quasi que des mecs en plus ! Non merde quoi ! Je n’ai rien à moi ou quoi ?! Elle est où ma tête ?! C’est un jardin public de mauvaises idées ma tête ou quoi ? Putain… Et cette phrase qui n’me lâche plus depuis que je l’ai entendue : « Avoir le portefeuille à droite et l’esprit à gauche » Est-ce qu’elle me ressemble cette phrase ? Est-ce que je veux être célèbre juste pour avoir du flouze ? Je rêve où je viens de dire « flouze » ? Je suis en roue libre totale ! Putain de tête de jardin public, tu es vraiment en train de devenir la caricature de toi-même ! Ressaisis-toi ! Qu’est-ce que je pourrai faire pour me rattraper ?! Désormais j’ai qu’à parler en ayant appris mon texte, ou en utilisant seulement des formules de politesse… Il faut absolument que je me syndicalise et que je m’inscrive dans une AMAP.
- Je pense plutôt que tu devrais te demander si ça rend heureux d’essayer d’être quelqu’un de bien. Je pense aussi que ce n’est pas parce-que tu ne t’appelles pas Michel Berger, que tu dois fermer ta gueule. Que l’erreur est humaine, errare humanum est, souviens-toi, l’humain est imparfait et faillible - et que l’air de rien, sans que tu t’en aperçoives, je suis en train de conclure ta scène de ménage intérieure et ton édito de rentrée par la même occasion. Bye !
Édito — Les contradictions de septembre 2022
- (…)
- Bon… ! Si tu ne sais pas sur quoi écrire, t’as qu’à faire comme Michel Berger et écrire ton dialogue intérieur. Michel Berger a toujours été très populaire, tu te défends de faire un théâtre populaire : l’identification est pertinente.
- Oui, bon, d’accord ! Le seul hic, c’est qu’un spectacle jubilatoire autour de Michel Berger est à l’affiche en ce moment. « Populo » ok, ça fait mal, mais j’admets. Par contre « plagiaire » qu’on se le dise, c’est insoutenable. Et puis t’es marrante toi, je ne le connais pas bien moi Michel Berger… Ce n’est pas parce-que je l’ai écouté en boucle tout l’été que je connais Michel Berger !
- Mais personne ne te demande de connaître Michel Berger ! Je t’incite seulement à faire comme lui et à te parler à toi-même !
- Mais on est 7 milliards à se parler à soi-même, face de pet, il n’y a vraiment pas de quoi en faire un édito, franchement !
- C’est moi où tu écris moins bien qu’avant ?
- Mais je n’écris pas là, je parle ! C’est bien ça le problème ! Un dialogue intérieur c’est oral, ce n’est pas du Koltès ni du Molière ! Les amoureux de la langue vont me tomber dessus, c’est sûr ! Mais bon ce n’est pas le sujet, on n’est pas là pour parler de ça.
- Bah si justement ! On est dans ta tête : tu peux parler de ce que tu veux dans ta tête ! Ta tête n’est pas une copropriété ni l’assemblée générale des copropriétaires, encore moins un jardin public : ta tête c'est ta tête, un point c’est tout !
- Oui bah justement j’ai l’impression que ma tête est un jardin public…et que chacun y va de son petit commentaire sur son entretien… Alors quoi ? Bah je me censure, j’essaie de rester intègre, de ne pas faire de vague, en définitive, je m’emmerde.
- C’est vachement bien cette histoire de jardin public, ça t’est venu comment ?
- Au fond la seule chose qui ait de la valeur pour moi c’est de savoir si un jour je serai aussi célèbre que Michel Berger. Lisiane dit que la célébrité ne sert à rien et que c’est un leurre. Je sais qu’elle a raison, j’aimerais penser pareil mais… Cet été j’ai passé 15 minutes dans le bar du IN au festival d’Avignon. 15 longues minutes à penser que je n’avais pas le corps adéquat pour réussir. Que j’étais trop courbée, pas assez garçon, pas assez fille, pas assez parisienne, trop provinciale, trop beauf et pas assez intello. Je me suis demandée si ces gens qui semblaient avoir le corps de la réussite pensaient comme moi, si eux aussi ils écoutaient Michel Berger.
- Pourquoi t’en reviens toujours à Michel Berger ? T’étais bien partie là, c’est dommage ! Dès que ça devient sérieux, tu n’peux pas t’en empêcher… Il faut que tu arrêtes de penser que les gens t’aiment seulement parce-que t’es drôle ! Ils t’aiment aussi parce-que tu es mégalo et parce que tu te prends pour Edouard Louis !
- Ah non pas Edouard Louis ! Non mais ce n’est pas possible ! Faut que ça s’arrête là ! L’identification ça va deux minutes, mais après stop ! Merde quoi ! Le plagiat ! L’identification ! Molière, Mnouchkine, Berger et maintenant Edouard Louis ! Quasi que des mecs en plus ! Non merde quoi ! Je n’ai rien à moi ou quoi ?! Elle est où ma tête ?! C’est un jardin public de mauvaises idées ma tête ou quoi ? Putain… Et cette phrase qui n’me lâche plus depuis que je l’ai entendue : « Avoir le portefeuille à droite et l’esprit à gauche » Est-ce qu’elle me ressemble cette phrase ? Est-ce que je veux être célèbre juste pour avoir du flouze ? Je rêve où je viens de dire « flouze » ? Je suis en roue libre totale ! Putain de tête de jardin public, tu es vraiment en train de devenir la caricature de toi-même ! Ressaisis-toi ! Qu’est-ce que je pourrai faire pour me rattraper ?! Désormais j’ai qu’à parler en ayant appris mon texte, ou en utilisant seulement des formules de politesse… Il faut absolument que je me syndicalise et que je m’inscrive dans une AMAP.
- Je pense plutôt que tu devrais te demander si ça rend heureux d’essayer d’être quelqu’un de bien. Je pense aussi que ce n’est pas parce-que tu ne t’appelles pas Michel Berger, que tu dois fermer ta gueule. Que l’erreur est humaine, errare humanum est, souviens-toi, l’humain est imparfait et faillible - et que l’air de rien, sans que tu t’en aperçoives, je suis en train de conclure ta scène de ménage intérieure et ton édito de rentrée par la même occasion. Bye !